Le marché de l’immobilier connaît un fort dynamisme avec une explosion de la demande face à un manque d’offre de biens à vendre, dans un contexte où les banques ont durci les conditions d’accès au crédit, notamment vis-à-vis des primo-accédants.
“Nous n’avons pas observé de baisse des prix sur le marché de l’immobilier”, constate Grégory Willay, courtier PresseTaux à Valenciennes. “On a même plutôt tendance à voir peu de négociations dans les dossiers sur le prix des biens, signe que le marché s’affole : les gens ne prennent pas de risques, ils veulent avoir la maison et font des propositions au prix affiché.” À Montpellier, Carine Pradelles constate la même stabilité au niveau des prix de l’immobilier mais remarque que “certains projets échouent pour cause d’apport devenu insuffisant ou d’instabilité professionnelle préssentie”.
À Tours, Grégory Lemaitre note une “légère tendance à la hausse, et surtout qu’il y a peu de vendeurs pour beaucoup d’acheteurs, dont une part importante qui ont de réelles capacités d’acheter”. “Le marché immobilier a été quasiment à l’arrêt pendant deux mois : pas de visite, très peu de signatures…”, analyse Magali Zeller, courtier PresseTaux à Dijon : “Dans les zones détendues, certains vendeurs vont devenir très pressés de vendre, ce qui aura nécessairement un impact à la baisse sur le prix de l’immobilier. Mais sur les zones plus tendues, où l’offre reste toujours insuffisante, il n’y a pas eu à l’heure actuelle d’évolution majeure des prix.”
“Il y a clairement une reprise des demandes de financement depuis le début de cet été”, confirme Sandra Rutman (PresseTaux Chantilly). “Toutefois, les exigences des banques continuent de se renforcer en limitant notamment le taux d’endettement à 33 % pour les prospects, y compris pour des profils qui ont un très bon reste à vivre. Mais, heureusement, certaines banques restent ouvertes à l’étude de profils intéressants tant que le taux d’usure est respecté.”
Magali Zeller étaye : “Les banques resserrent davantage leurs critères d’endettement, mais on voit aussi qu’elles ont pris du retard dans leurs objectifs annuels et mettent tout en œuvre pour le rattraper. La hausse, modérée, de leurs tarifs fait qu’il est encore très interessant d’investir, d’autant plus que de belles opportunités peuvent se présenter. Après deux années exceptionnelles, on s’attend à ce que le marché immobilier marque le pas ou, a minima, se réoriente. Mais il est encore tôt pour le dire : il faut attendre de voir la sortie de crise sanitaire, l’impact économique sur les entreprises et leurs salariés, ainsi que le développement potentiel du télétravail.”
Dès lors, comment l’offre et la demande vont-elles évoluer ? Y aura-t-il trop de biens sur le marché ou pas assez ? “Les agents immobiliers me disent qu’ils sont en recherche de biens à vendre”, relate Christophe Lamand (PresseTaux Douai). “J’espère que la demande va se renforcer ! Que les gens profitent à nouveau des terrasses, aient envie de projets, d’améliorer leur cadre de vie, de ne plus se sentir dans un climat d’insécurité.”
Du côté de Valenciennes, Grégory Willay remarque “d’un côté, une explosion de la demande et de l’autre, pas assez d’offre. Cependant, le marché pourrait se retourner si les banques ne suivent plus. Pour le moment, elles traitent les dossiers donc tout va bien. Mais c’est le gros point d’interrogation car les critères se sont durcis : taux d’endettement, revenus trop faibles, reste à vivre, etc.” Grégory Lemaitre abonde : “Le marché immobilier a été conditionné par les banques en permettant l’octroi de crédit à des taux intéressants, ce qui l’a dynamisé. Si les banques deviennent plus difficiles, cela risque d’impacter le marché à la baisse, faute d’acheteurs en nombre suffisant…”
En matière de pouvoir d’achat, l’un des risques est que la crise peut plomber la demande en fragilisant les dossiers des emprunteurs. Mais c’est à nuancer, selon Grégory Lemaitre : “Nombreuses sont les personnes à avoir mis de l’argent de côté et amélioré leur fonctionnement de compte parce qu’ils consomment moins. Résultat, cela a valorisé leur dossier ! Par contre, d’autres ont vu leurs dossiers fragilisés, comme les commerciaux avec variable, ceux qui se retrouvent au chômage et les professionnels vraiment impactés par la crise, avec des chiffres d’affaires réduits à zéro et des bilans comptables affaiblis.” Grégory Willay ajoute : “On observe des baisses de revenus sur les dernières fiches de paie mais cela n’impacte pas les dossiers puisqu’on fait des moyennes sur les revenus de l’année précédente. Par contre, si beaucoup d’entreprises mettent la clé sous la porte, là ça va clairement impacter la demande…”
Pour Christophe Lamand, “ce n’est pas la crise qui va rendre les dossiers difficiles mais plutôt les conditions d’octroi de crédits que les banques ont rendu encore plus drastiques. Par exemple, le calcul du taux d’usure n’est pas en corrélation avec ce qu’il se passe sur le marché. Quant au taux d’endettement de 33 %, il constitue un frein pour de nombreux dossiers. De manière générale, les dossiers ont de plus en plus de mal à passer. Les banques tendent à n’accepter que des dossiers qualitatifs, c’est-à-dire avec un apport couvrant les frais, une épargne constituée, des revenus élevés… Ce qui complique sérieusement les dossiers des jeunes primo-accédants par exemple, sauf s’ils ont des profils évolutifs de type cadre. Une maison à 150000 € nécessite un apport d’environ 15000 € servant à financer les frais : notaire, frais de dossiers bancaires, frais éventuels de courtier… Sans compter le véhicule pour aller au travail.”
“Cela reste un bon moment pour investir et profiter de taux encore bas”, avance Grégory Lemaitre. “Et pour acter les décisions de changement de vie !” “Il n’y a jamais de bon ou de mauvais moment pour investir”, temporise Grégory Willay : “Si on attend, les taux risquent de remonter mais les prix peuvent baisser en conséquence, c’est un phénomène de vases communicants.”
Ce qui aiderait à relancer l’activité du marché de l’immobilier, ce serait de “revoir absolument le taux d’usure à la hausse”, selon Grégory Willay. “Nous avons plein de dossiers refusés à cause de cela, notamment pour les emprunteurs de plus cinquante ans : le taux plus élevé de l’assurance fait que le taux d’usure est plus rapidement atteint.” Ce que confirme Grégory Lemaitre, qui précise que “des relations plus simplifiées entre les banques et les courtiers” faciliteraient aussi une meilleure conduite des dossiers. Christophe Lamand propose une autre idée : “Faire en sorte que les banques acceptent à nouveau de financer les frais, ce qui revient à financer à 110 %, c’est-à-dire le prix du bien plus les frais de notaire, bancaires, de courtier… Et ce, même si cela nécessite d’avoir, par exemple, une épargne de précaution pour rassurer la banque.”