La persistance des taux bas est un facteur important de la santé actuelle du marché de l’immobilier. Mais c’est surtout l’évolution de la demande qui fixe les prix des biens et celle-ci prend en compte plusieurs paramètres : les taux bien sûr, mais aussi le contexte économique, la pression immobilière ou encore l’actualité des dispositifs spécifiques comme les prêts à taux zéro.
“C’est la loi de l’offre et de la demande : les prêts moins chers attirent de nombreux acheteurs, notamment des primo-accédants”, introduit Magali Zeller (PresseTaux Dijon). “Mais cette hausse des prix s’est faite progressivement et n’est due que très partiellement à la baisse des taux. Elle serait bien davantage liée à la centralisation des bassins d’emploi.”
“Le prix d’un bien immobilier est surtout lié à la demande”, prolonge Carine Pradelles, courtier PresseTaux à Montpellier où, par exemple, la demande est “très importante depuis dix ans, période depuis laquelle les prix augmentent fortement”. Carine Pradelles en est convaincue : “Je ne pense pas que les prix montent à cause de la persistance des taux bas car la demande reste le facteur le plus important.”
Selon Isabelle Venzal (PresseTaux Poissy), la persistance des taux bas s’accompagne aussi d’un autre phénomène : les prêts à taux zéro (PTZ) chutent en nombre comme en montants. Pourtant destinés à faciliter l’accès à la propriété dans le neuf comme dans l’ancien, principalement des primo-accédants modestes, les PTZ sont en perte de vitesse : “Leur nombre a chuté de 27 % en 2018, selon les estimations de la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS)”, précise-t-elle. Cette chute tiendrait aux rabotages successifs de cette aide étatique.
“On pourrait aussi parler de l’effet des taux bas sur les taux d’usure”, poursuit-elle. “Les taux d’intérêt très bas n’ont pas que des vertus pour les emprunteurs immobiliers puisqu’en tirant les taux d’usure à la baisse, certains candidats à l’accession parfaitement solvables peuvent se retrouver exclus du crédit. En effet, les plus faibles revenus qui ne bénéficient pas des taux nominaux les plus bas, les personnes à risques (santé ou profession) et également les seniors, indépendamment de leur solvabilité, peuvent se voir refuser l’octroi d’un crédit pour cause de taux d’usure.”
Du côté de Metz, Benjamin Clément explique : “Les propriétaires vendeurs se disent, à juste titre, qu’étant donnés les taux bas, les personnes en recherche de bien immobiliers peuvent acheter plus cher du mètre carré. Même si ce n’est pas un effet que j’ai pu rencontrer énormément sur mon secteur, on sent quand même une légère hausse des prix au vu des annonces. Après, il y a d’un côté le prix demandé par les vendeurs et, de l’autre, le prix réel de vente… Malgré les taux bas, l’offre reste toujours supérieure à la demande donc je ne constate pas une envolée significative des prix.”
“Une hausse des prix peut aussi venir des estimations faites à la hausse par les acteurs du marché immobilier. En jouant sur le fait que le nombre d’acquéreurs potentiels augmente, ils encouragent une hausse des prix pour profiter à leur tour d’une hausse de leur commission en pourcentage…”, relate Christophe Lamand, courtier PresseTaux à Douai. “De même pour les vendeurs qui estiment ne pas avoir à baisser leur prix puisque les acquéreurs sont plus nombreux…”
Pour Hervé Grain, courtier PresseTaux à Antony, la hausse des prix “a compensé l’effet baisse des taux” sur le marché immobilier : “Ainsi, malgré la persistance des taux bas, les clients ont perdu du pouvoir d’achat immobilier. La hausse des prix est désormais alimentée par le rallongement significatif de la durée des prêts immobiliers.” À Reims, Geoffrey Mazouzi le constate : “La baisse des taux permet à plus d’acquéreurs d’accéder à la propriété. Comme le marché immobilier s’appuie sur la corrélation entre l’offre et la demande, les vendeurs peuvent quand même vendre plus cher.”
Autre conséquence : l’attractivité des taux bas incite de nouveaux candidats à l’accession immobilière dont les profils ne sont pourtant pas compatibles avec des projets d’acquisition. Isabelle Venzal témoigne : “Nous remarquons que de plus en plus de jeunes actifs ayant moins d’un an d’expérience professionnelle et qui ne sont pas encore prêts à devenir propriétaires pensent pouvoir acheter sans apport. Ils ne se rendant pas compte non plus du coût global d’acquisition et du foncier. Par conséquent, ils voient leurs demandes de prêts refusées par les banques.”